Rencontrez Médiapi : le cœur de l’actualité des sourds à Paris

Auteure : Fie Sennels
Vidéaste / Monteuse : Angelina Petrova

Un acteur majeur du journalisme pour les personnes sourdes

Dans le monde du journalisme pour les personnes sourdes, Médiapi s’est rapidement imposé comme un acteur incontournable. Lancée en 2018, la plateforme diffuse quotidiennement des informations en langue des signes française (LSF) et en français écrit, comblant ainsi un manque crucial d’accessibilité aux médias pour la communauté sourde en France.

Lors de notre visite, Estelle Arnoux nous a expliqué comment l’équipe s’était réunie à Paris pour son bilan bimestriel, travaillant sur un projet pendant que nous étions en observation. « Ces derniers temps, nous avons été débordés par la préparation de notre bilan annuel 2024. Nous mettons en lumière nos sujets les plus marquants, condensés en 35 minutes, et j’espère que nous serons fiers de vous présenter le résultat final. »

Naissance de Médiapi

Contrairement à d’autres plateformes journalistiques pour les personnes sourdes, Médiapi est entièrement dédiée à la diffusion de l’information, l’accessibilité étant au cœur de ses préoccupations. Revenant sur ses origines, Noemi Churlet a expliqué que l’idée de Médiapi est née après les attentats terroristes de 2016, lorsque le manque d’accessibilité – absence de sous-titres et d’interprètes – a laissé de nombreuses personnes sourdes dans l’ignorance. « Nous avons réalisé qu’il était crucial d’avoir une information accessible », a-t-elle déclaré.

Avant Médiapi, il y avait Websourd, une plateforme d’information pour les personnes sourdes basée à Toulouse, active du début des années 2000 à 2015. Websourd proposait des informations écrites en français, traduites en LSF par des traducteurs sourds, mais a finalement connu des difficultés financières et a fermé ses portes en 2016. La même année, Noemi et son équipe ont commencé à développer Médiapi, tirant les leçons des difficultés rencontrées par Websourd. « Nous avons compris qu’une plateforme gratuite, bien que noble, n’était pas viable. Nous avons donc construit Médiapi avec un modèle d’abonnement dès le départ. »

Bien que Noemi reconnaisse qu’un accès gratuit à l’information serait idéal, elle souligne que ce n’est tout simplement pas envisageable pour l’instant. « Bien sûr, un accès gratuit serait préférable, mais pour l’instant, c’est impossible. » Si certains membres de la communauté sourde hésitent à payer pour du contenu, les principaux abonnés de Médiapi reconnaissent sa valeur, non seulement comme plateforme d’information, mais aussi comme espace essentiel d’autonomisation communautaire. « Nous créons un lieu où les personnes sourdes peuvent s’informer sur les sujets qui les concernent, dans leur propre langue. »

Réflexions de l’équipe

Malgré une réticence initiale aux abonnements, Médiapi a développé un modèle durable où les sympathisants contribuent à financer l’accès pour ceux qui n’en ont pas les moyens. Laura Guernalec, membre de l’équipe, a confié que même ses parents entendants, qui ne maîtrisent pas parfaitement la langue des signes, s’abonnent pour soutenir son travail. Pourtant, nombreux sont ceux qui, dans son entourage, hésitent encore.

Lorsqu’on leur demande pourquoi ils ne s’abonnent pas, les réponses les plus fréquentes sont : « Dois-je payer ?» ou « Je n’ai pas le temps de regarder. » Laura les interpelle en leur demandant : « Avez-vous le temps et l’argent pour regarder Netflix ?» Cette question suscite souvent des réflexions embarrassantes, soulignant la nécessité de reconnaître la valeur du journalisme pour les personnes sourdes.

Estelle a souligné un autre défi : l’idée reçue selon laquelle les informations en langue des signes ne sont pas nécessaires. « Les gens se demandent : “Pourquoi les informations en langue des signes sont-elles nécessaires ?” Ils oublient que Médiapi existe pour les personnes sourdes, quelque chose qui n’existe nulle part ailleurs.» Elle explique la différence fondamentale : « Il y a une différence entre avoir accès à l’information et y avoir accès dans sa propre langue des signes. C’est ce qui rend Médiapi unique.»

Défis et perspectives

Malgré son succès, Médiapi reste confronté à un défi majeur : sensibiliser la communauté sourde à l’importance d’une information accessible. Charlotte Berthier a souligné ce problème, expliquant qu’en France, les personnes sourdes sensibilisées et éduquées aux médias sont prêtes à payer pour s’informer, tandis que celles qui en ont le plus besoin la négligent souvent. « C’est frustrant de constater que ceux qui ont réellement besoin d’accéder à l’information sont ceux qui n’en font pas une priorité. »

Tournée vers l’avenir, Noemi a exprimé sa gratitude envers les abonnés et les sympathisants de Médiapi. « Je tiens à remercier la communauté pour son soutien à l’égalité. J’espère que les médias nous donneront plus de visibilité, car ils ont le pouvoir de changer les choses », a-t-elle déclaré. Sa conviction est inébranlable : « Sans les médias, les choses resteront inchangées. Mais avec eux, nous pouvons changer la donne. »

Et après ?

Restez à l’écoute pour notre prochain article et notre prochaine vidéo, où nous approfondirons la résilience de Médiapi et les stratégies qu’elle utilise pour façonner l’avenir du journalisme sourd.