Introduction
Les personnes sourdes sont confrontées quotidiennement à de nombreux défis, qui deviennent encore plus complexes en milieu carcéral. La question des détenus sourds est rarement abordée, mais son importance ne saurait être sous-estimée. Cet article analyse leur situation, identifie les principaux problèmes et propose des solutions pour améliorer leurs conditions de vie.
Nous avons fait appel à Tomas Dunko, avocat sourd qui travaille depuis longtemps sur la question des personnes sourdes et des Roms sourds dans le système de justice pénale. Nous lui avons demandé de commenter les principaux problèmes rencontrés par les personnes sourdes dans le cadre des procédures pénales, ainsi que les solutions possibles à leur situation difficile.
Les personnes sourdes, la privation de langage et leur statut en droit pénal
La privation de langage des personnes sourdes n’est pas seulement un problème éducatif et social, mais a également de graves conséquences en droit pénal. Le manque d’accès à l’information, des compétences de communication limitées et un faible niveau d’alphabétisation les empêchent partiellement ou totalement de se défendre efficacement lors des procédures pénales. Cela concerne non seulement les personnes sourdes issues de la société majoritaire, mais aussi les Roms sourds, qui se trouvent dans une situation encore plus vulnérable, qu’ils soient victimes, témoins ou accusés.
Le statut juridique des personnes sourdes dans les procédures pénales
En vertu du Code pénal, toute personne sourde a droit à un interprète si elle ne comprend pas ou ne connaît pas la langue dans laquelle se déroule la procédure. Cet interprète peut parler couramment la langue des signes slovaque ou un autre système de communication privilégié par l’accusé ou le témoin. Si les Roms sourds ou d’autres personnes sourdes ne parlent pas une langue des signes standardisée et utilisent des systèmes de signes communautaires, leurs déclarations peuvent être mal interprétées et des décisions judiciaires erronées peuvent être prises.
De plus, la loi sur l’exécution des peines de prison exige que les personnes incarcérées soient informées de leurs droits et obligations de manière compréhensible. Pour les détenus sourds, cela devrait se traduire par la mise à disposition d’un interprète en langue des signes, mais dans la pratique, cette obligation est souvent sous-estimée ou mal respectée.
Les risques de privation langagière dans les procédures pénales
Les personnes sourdes, ainsi que les Roms sourds, accusés ou condamnés sont confrontés à plusieurs problèmes systémiques résultant de leur privation de langage :
- Compréhension limitée des actes juridiques – De nombreux Roms sourds et sourds ne comprennent pas les termes juridiques, et s’ils ne parlent pas la langue des signes slovaque, des malentendus fondamentaux peuvent survenir lors de leurs communications avec les enquêteurs, les tribunaux ou les avocats de la défense. Dans ce cas, il arrive qu’ils ignorent ce qu’ils avouent ou quels sont leurs droits.
- Manque d’interprètes maîtrisant les systèmes de signes communautaires ou manque d’interprètes qualifiés pour le droit – Le Code de procédure pénale garantit le droit à un interprète. Les personnes sourdes utilisent souvent la langue des signes slovaque de manière ponctuelle. Cependant, en raison de leur faible niveau d’alphabétisation, et dans le cas des Roms sourds qui n’utilisent pas la langue des signes officielle slovaque, mais plutôt des systèmes de signes communautaires compréhensibles uniquement dans leur environnement social, leurs déclarations peuvent être mal interprétées et des inexactitudes peuvent apparaître lors des procédures judiciaires.
- Conditions d’exécution des peines difficiles – Il n’existe pas de soutien systématique pour les détenus sourds dans les prisons slovaques. Les informations sur les règles de détention, le régime quotidien ou les possibilités de recours ne sont souvent disponibles qu’à l’écrit ou à l’oral, ce qui peut être pratiquement incompréhensible pour les personnes sourdes démunies linguistiquement. Cela peut entraîner des violations de leurs droits, des violations involontaires du règlement pénitentiaire ou un isolement social au sein de la communauté carcérale.
Solutions potentielles : une approche plus inclusive en droit pénal
Afin d’éviter toute injustice envers les personnes sourdes dans le système de justice pénale, des mesures doivent être mises en place pour garantir leurs droits :
- Formation des interprètes et des avocats : Il est nécessaire de former les interprètes judiciaires aux systèmes de signes communautaires et à la langue des signes slovaque afin qu’ils puissent communiquer efficacement avec les personnes sourdes. Il est également important que les avocats et les juges comprennent les spécificités de la privation de langage et ses implications pour la compréhension des procédures judiciaires.
- Amélioration de l’accès à l’information : Les informations sur les droits et obligations des prévenus et des condamnés devraient également être disponibles en format visuel ou en langue des signes afin de garantir leur bonne compréhension par les détenus sourds.
- Amélioration de la disponibilité des interprètes : Un accès régulier à des interprètes en langue des signes pourrait supprimer de nombreux obstacles à la communication. Cela impliquerait de collaborer avec les communautés sourdes et les experts en langue des signes. De plus, il serait utile de créer une base de données d’interprètes qualifiés disponibles sur demande. Il serait également important de fournir un service d’interprétation non seulement pour les entretiens formels, mais aussi pour les situations quotidiennes telles que les rendez-vous médicaux, les consultations juridiques et les programmes éducatifs.
- Supports accessibles – La production de supports d’information en langue des signes et de vidéos sous-titrées garantirait aux détenus sourds le même accès à l’information que les autres. Ces supports devraient inclure le règlement intérieur de base, les procédures d’urgence, la liste des services disponibles et des informations juridiques. L’utilisation de technologies modernes, telles que des bornes numériques tactiles ou des applications mobiles adaptées aux personnes sourdes, pourrait améliorer considérablement leur orientation en milieu carcéral.
- Formation – éducation du personnel – Sensibiliser le personnel pénitentiaire aux besoins des personnes sourdes, notamment aux compétences de base en langue des signes, pourrait améliorer les relations et la communication. Cette formation devrait être obligatoire pour tout le personnel afin d’acquérir les compétences de base en langue des signes et d’apprendre à communiquer efficacement avec les détenus sourds. De plus, des ateliers et séminaires réguliers animés par des experts de la surdité devraient être mis en place pour aider le personnel à comprendre les difficultés spécifiques rencontrées par ces détenus.
- Soutien en santé mentale – Proposer des thérapies et des groupes de soutien adaptés aux personnes sourdes peut contribuer à atténuer les effets négatifs de l’isolement et à favoriser leur réinsertion. Il serait important de faire appel à des psychologues et des thérapeutes maîtrisant la langue des signes et pouvant proposer des thérapies individuelles et de groupe. Les groupes de soutien pour personnes sourdes pourraient créer un espace sûr de partage d’expériences et de soutien mutuel. De plus, des programmes pourraient être mis en place pour développer les compétences sociales et préparer la réinsertion sociale après la sortie de prison.
Conclusion : Le groupe vulnérable invisible dans le système pénal
Les personnes sourdes se trouvent dans une situation particulièrement vulnérable au sein du système de justice pénale. Non seulement elles sont confrontées à la privation de la langue, mais leurs difficultés de communication peuvent entraîner des injustices et une insécurité juridique. Bien que la législation leur garantisse formellement des droits, la réalité montre que ces droits ne sont pas toujours pleinement respectés.
Pour que le système de justice pénale soit équitable et inclusif, il est essentiel que l’État et les professionnels du droit accordent une plus grande attention aux spécificités de ce groupe. La mise à disposition d’interprètes de qualité, la formation des avocats et l’amélioration des conditions de détention des personnes sourdes sont des mesures clés pour lever les obstacles auxquels elles sont confrontées.
La langue n’est pas seulement un moyen de communication, mais aussi un outil d’exercice des droits. Si les Roms sourds n’ont pas pleinement accès à la langue, ils n’ont pas pleinement accès à la justice.
Ph. D. Mgr. et. Mgr. Tomáš Dunko, Ph. D.
Bc. Juraj Holéczy
Jozef Vahovský